La Créativité pour Gauthier
C’est la façon de manier des idées, comme si c’était une matière première.
La créativité, dans son sens originel, c’est le fait de pouvoir résoudre une problématique.
C’est la capacité à proposer des idées ou des solutions utiles dans un contexte donné.
Le principe même de recyclage est un processus créatif.
La matière première de la créativité, ce sont les idées.
On ne parle pas de toujours proposer quelque chose d’original, de nouveau.
C’est simplement le fait de requestionner et de redéfinir un problème différemment.
Offrir un autre angle de vue.
C’est autant la capacité à proposer que de pouvoir sélectionner, que de redéfinir des problématiques, que de proposer des nouveaux angles, de poins de vue, de vision.
Comment vient-on résoudre des problèmes en apportant des solutions : c’est la capacité de rebond.
L’intuition pour Gauthier
C’est la capacité à faire des choses dans une logique de laisser-aller cérébralement parlant.
Le relâchement de l’intellect et de l’analytique, c’est quelque chose qui sera un peu plus spontané, que l’on sent. Et, c’est normal d’avoir des idées, et des choses que l’on sent : c’est plutôt bon signe.
C’est un petit observateur intérieur.
Laisser venir toutes ses idées.
C’est une technique d’enthousiasme aussi.
Tu as une connexion qui se fait : ça envoie de l’endorphine.
Ça crée un élan.
C’est même hormonal.
C’est grisant et c’est là où il faut quand même continuer à proposer.
Les Clés créatives de Gauthier
Une personne qui va faire une formation à la créativité, mais qui ne bosse pas la curiosité ou une logique un peu plus collaborative ou l’esprit critique, elle ressortira avec quelque chose de relativement pauvre.
Comprendre les mécanismes d’une disparition de projet, pour faciliter les initiatives.
Vous avez les ressources en vous pour trouver des solutions par vous-même.
Chacun a sa propre façon – par rapport à ses expériences et à ses profils psychologiques – de venir proposer des idées de manière différente, individuellement.
La vision systémique, c’est essentiel dans la résolution de problèmes ; et c’est aussi essentiel dans le développement des compétences.
Faire des choses sans but et sans objectif est un moyen de travailler la curiosité.
Être moins dans une logique de processus, de décision, de choix.
Suivez votre pote qui fait une sortie qui ne vous plaît absolument pas et forcez-vous à bouger !
Les personnes débrouillardes sont les premières à faire preuve de créativité.
Tout se décompose et tout se déconstruit.
La posture basique : le questionnement.
Se demander : est-ce qu’il y a d’autres possibilités qui existent et qui seraient elles aussi intéressantes ?
Partir avec une idée qui te plaît beaucoup, tout en ayant 2-3 pistes alternatives en tête.
« Tout se décompose et tout se déconstruit.«
Facilitateur et auteur du livre « Encore un p***** de bouquin sur la créativité« , Gauthier est fan du problem solving en toutes circonstances ! Pour lui, les idées n’ont aucun secret. Gauthier met en avant des traits dont peu de personnes parlent et qui te permettront de passer à l’action sur tes idées…
« Se planter, c’est planter. »
Gauthier Helloco
Peux-tu te présenter Gauthier ?
Gauthier Helloco : Je suis Gauthier Helloco. Je suis facilitateur et membre d’un collectif indépendant qui s’appelle Codesign-it : on y travaille des approches d’innovations collaboratives. Mon métier, classiquement, c’est de faire des ateliers collaboratifs en présentiel et, de plus en plus, à distance, tout en aidant des entreprises et des institutions (privées ou publiques) à craquer les grosses problématiques.
Je suis un geek du « problem solving » (résolution de problèmes) : comment est-ce qu’on organise des temps collectifs pour aider les personnes à trouver des solutions par elles-mêmes.
A titre personnel, j’adore travailler sur la thématique de comment trouver des nouvelles solutions, des nouvelles idées. Et mon métier, c’est accompagner des personnes – même des groupes – à en avoir pour pouvoir plus facilement se mettre en action.
J’ai également écrit un livre qui est sorti 5 jours avant le début du confinement en France : Encore un p***** de bouquin sur la créativité. Le livre se veut un exercice sur la vulgarisation sur comment est-ce que les idées émergent, comment se développent-elles, comment prennent-elles du corps et de la forme et comment les personnes se développent en parallèle.
Tu as lu plusieurs bouquins sur la créativité : en quoi le tien est unique ? Qu’est-ce qu’il apporte à tes lecteurs ?
Gauthier Helloco : Je n’ai pas lu beaucoup de livres sur la créativité. Par contre, j’en ai énormément feuilleté !
J’avais un petit coup de gueule et un ras-le-bol par rapport aux livres qui expliquent que la créativité c’est d’avoir des techniques de brainstorming. Et, je ne trouvais pas de livre en adéquation avec ma philosophie, notamment : qu’est-ce qu’est réellement la logique créative ?
Ils ne mettent pas en avant la matière première que sont les idées. À mon sens, on sait faire du calcul, mais on ne sait pas jouer avec des idées. On ne sait pas leur donner forme. On ne sait pas les manipuler. On ne sait pas comment on va trouver des trucs et astuces : des outils, mais aussi des postures pour pouvoir plus facilement les développer. C’est vraiment ça qui m’a amené à écrire le livre.
Le titre en tant que tel – Encore un p***** de livre sur la créativité – montre sa différence. Il signifie que, oui, en soit, c’est encore un livre sur la thématique ; mais avec le petit clin d’œil (le fameux « putain« ) qui permet de montrer qu’il ne va pas dans le même sens que les autres livres sur les techniques de créativité, et notamment le typique « boîte à outils ».
Je pars d’un principe très personnel que la recette ne fait pas le plat. Ça ne sert à rien de mettre le « mode opératoire » sous le nez des gens : ce n’est pas ce qui les aide derrière à savoir comment faire, comment se positionner ou comment aller chercher une idée.
Je suis très sensible à la logique de développement personnel, comme celle du développement des idées : ce livre est une manière de pouvoir traiter les deux en même temps. Il parle donc :
- d’entrepreneuriat,
- d’innovation,
- d’agilité.
Sans forcément y mettre ces mots spécifiquement.
C’est donc une vision plus accessible et vulgarisée de la créativité en tant que telle. C’est une vision, qui m’est très personnelle, mais qui fait du bien aux gens. Donc je souhaitais en faire un objet social plutôt que de vendre des journées d’accompagnement.
Quels conseils donnerais-tu pour pouvoir développer son muscle de créativité ?
Gauthier Helloco : Déjà, il s’agirait d’avoir une conscience un peu plus élargie de ce que c’est : il ne s’agit pas de brainstorming et de pure divergence. Il s’agit de comprendre les différentes postures qu’induit la notion de créativité.
On ne parle pas de toujours proposer quelque chose d’original. Je dirais même que l’originalité est biaisée : c’est une idée reçue qui est ultra blessante par rapport à ce qu’est vraiment un comportement créatif.
Parfois, la créativité c’est simplement le fait de requestionner et de redéfinir un problème différemment. D’offrir un autre angle de vue. Et ça c’est absolument essentiel. On n’est pas dans une logique de faire émerger un maximum d’idées (ça c’est bien pour les brainstormings) : il y a des gens qui sont malades d’avoir trop d’idées et de ne pas savoir quoi en faire.
Quand on travaille le muscle créatif, on travaille autant la capacité à proposer que de pouvoir sélectionner, que de redéfinir des problématiques, que de proposer des nouveaux angles, de poins de vue, de visions.
Ça se bosse cognitivement : les neurosciences ont montré que le comportement joue. Chacun a sa propre façon – par rapport à ses expériences et à ses profils psychologiques – de venir proposer des idées de manière différente, individuellement.
Donc, lorsqu’on parle de créativité comme compétence du 21e siècle, il faut d’abord la remettre dans son contexte : aujourd’hui c’est la façon de manier des idées, comme si c’était une matière première.
L’analogie du boulanger le décrit très bien : la farine est une matière première avec laquelle on joue inconsciemment. Les idées, c’est notre farine de tous les jours. Plus on va être en capacité de l’observer, plus on va se muscler. L’observation c’est quelque chose d’intangible : je me réveille avec une idée, je la capture ; je la mets de côté, et je vois comment est-ce qu’elle évolue dans ma tête, et peut-être après, progressivement, dans mes mains (quand je commence à mettre en forme). Et inversement.
Beaucoup de personnes ne se sentent pas créatives. Qu’as-tu envie de leur dire ?
Gauthier Helloco : Tout simplement, il faudrait déjà savoir ce qu’est une idée. La problématique par rapport à ce cliché, c’est que les personnes qui pensent ça, pensent qu’être créatif, c’est être excentrique, loufoque, original. Euh, non : quelqu’un qui bricole passe son temps à résoudre des problématiques très « simples » en apparence, mais c’est de la résolution de problèmes.
La créativité, dans son sens originel, c’est le fait de pouvoir résoudre une problématique. Le fait d’avoir poussé à dire que la créativité, c’est forcément faire un pas de côté et faire du nouveau, ça a amené un décalage sur « il faut être original, excentrique ». Mais c’est un point de vue totalement subjectif. Né original ou nouveau que quelque chose qui est inconnu dans mon environnement et mon contexte. Vous pouvez donc imaginer qu’une tradition d’une tribu indienne, dans ce cas-là, c’est original !
Si on recentre la créativité sur une notion d’utilité, d’apport d’une solution, à un problème, on est sur quelque chose qui est beaucoup plus acceptable. Les personnes débrouillardes sont alors les premières à faire preuve de créativité. On ne parle pas d’être créatif dans une agence de pub. Ce sont des clichés et un mauvais usage du vocabulaire.
Aurélie : Oui, c’est un peu la définition qu’en ont donné la société ou même l’école : mettre des gens dans des cases. C’est une étiquette que les gens se mettent.
Gauthier Helloco : Oui, ça ne ferme pas non plus la porte à des choses nouvelles, à amener du décalage. Mais le décalage n’est possible qu’à partir du moment où on propose : lorsqu’on fait de du décalage ou du nouveau un objectif. On expérimente ou on explore très très peu. Du coup on passe très peu à l’action.
Moi je le dis souvent en exemple : les avocats et les fiscalistes sont des personnes extrêmement créatives dans le fait de voir où sont les failles dans certaines lois ou dans certaines organisations et ainsi trouver la solution. C’est le même mécanisme pour les hackers : comment est-ce que je vais trouver une faille ? Et comment je joue avec ça ?
Aurélie : J’ai eu une interview récemment avec Marie, qui a fait un doctorat en psychologie cognitive. Elle me disait la même chose : la science est vue comme très procédurale, très carrée. Mais en fait il faut être extrêmement créatif et aller se confronter à des nouvelles idées, à d’autres secteurs – même non scientifiques – et ça démystifie la définition sociétale que l’on donne à la créativité.
Gauthier Helloco : Oui, les soft skills (compétences douces : personnalité et savoir-être d’une personne) – c’est-à-dire quand on va retrouver de la créativité et de la logique de collaboration – s’auto-alimentent entre elles. On est davantage sur une logique de système.
Alors que, dans les compétences hards (compétences techniques : ensemble des connaissances spécialisées d’une personne et son aptitude à réaliser des tâches) – qui seraient par exemple le fait de faire du pain ou de savoir faire du code informatique – là, on touche à la curiosité, à l’esprit critique : ces deux compétences – pour ne citer qu’elles – vont alimenter le processus créatif :
- Si je suis curieux, j’ai une nouvelle connaissance : qu’est-ce que j’en fais ? Quelque chose de nouveau peut arriver.
- Et l’esprit critique, c’est le fait de regarder quelque chose d’existant et d’être en capacité de venir jouer avec, de le regarder sous différents points de vue. Je vais potentiellement avoir des idées qui peuvent émerger. Ou même simplement mieux définir un problème.
Donc, elles s’auto-alimentent toutes. Il faut alors les voir comme un groupement, et pas les voir une par une. La vision systémique, c’est essentiel dans la résolution de problèmes ; et c’est aussi essentiel dans le développement des compétences.
Une personne qui va faire une formation à la créativité, mais qui ne bosse pas la curiosité, une logique un peu plus collaborative ou l’esprit critique, ne ressortira qu’avec quelque chose de relativement pauvre. C’est une des raisons pour lesquelles je ne forme pas ou très peu à la créativité. Quand je le fais, c’est plutôt sous un angle systémique.
Tu dis notamment qu’il faut être curieux / aller voir ailleurs. As-tu des conseils pour des personnes qui n’osent pas ?
Gauthier Helloco : Suivez votre pote qui fait une sortie qui ne vous plaît absolument pas et forcez-vous à bouger ! Le faire avec quelqu’un rend ça moins pénible. Faire des choses sans but et sans objectif est un moyen de travailler la curiosité. Être moins dans une logique de processus, de décision, de choix.
Aujourd’hui, par rapport aux médias, les gens choisissent ce qu’ils veulent regarder en choisissant les plateformes (comme Netflix par exemple). On est souvent dans une logique de choix et de décision : on n’est pas forcément dans une logique curieuse de quelque chose qui nous ressemble pas.
Les bons petits algorithmes sont faits pour nous proposer des choses qui nous ressemblent. Pas forcément des choses qui sont un peu différentes de notre système de penser ou de consommer du média. Là où, quand vous aviez 6 chaînes de télévision, vous aviez 1 choix sur 6. Même quand il n’y en a aucun qui vous va, vous regardiez quelque chose qui ne vous ressemble pas forcément intuitivement.
Ça fait du bien d’avoir une forme de curiosité sur les choses sur lesquelles vous n’êtes pas habitués. Et ça se bosse autant sur le fait de modifier certaines petites habitudes : le chemin que vous empruntez pour rentrer chez vous, une habitude culinaire ou dans certains sports.
Ce qui est important, c’est de modifier certaines habitudes et de se mettre dans un format un peu plus passif plutôt que proactif de « je décide d’absolument tout« .
Aurélie : Oui, changer des petites habitudes dans son quotidien, ce n’est pas ce qu’il y a de plus difficile. Donc pour commencer, c’est bien ! Et plus on fera grandir ça, plus on sera capable de le faire !
La créativité, c’est aussi savoir trouver plusieurs manières d’atteindre un objectif. Dans un des webinairs que tu as fait récemment, tu parlais de la courbe du deuil et notamment du fait de ne pas chercher à remplir le vide tout de suite après la mort d’un projet, d’une idée ou d’une manière d’atteindre un objectif.
Peux-tu nous parler un petit peu du principe de la courbe du deuil dans la mort d’un projet, d’une idée ?
Gauthier Helloco : Lorsqu’on investit du temps sur un projet, lorsqu’une idée prend forme et se solidifie par rapport au temps que vous investissez, par rapport à l’affect que vous investissez, par rapport aux ressources que vous investissez, il y a un lien qui se crée entre le projet, l’idée et la personne.
Le langage juridique parle – lorsque l’on crée une société – de personne morale : juridiquement, c’est comme s’il s’agissait d’un individu, qui est identifiable, identifié et auquel on peut s’attacher. Et donc, sa simple disparition, en fonction du lien et de l’attachement que l’on peut avoir, peut avoir des conséquences psychologiques.
D’autant plus si c’est votre idée : car il y a une confusion ente ce que l’on fait, ce que l’on produit et la personne que l’on est.
L’exemple du gâteau au chocolat est très parlant : dire à son conjoint que le gâteau au chocolat qu’il ou elle a fait est pourri, fera que la personne aura une réaction émotionnelle de considération comme si c’était la personne qui a été jugée. Vous heurtez la personne, alors que vous parlez du gâteau.
Donc il y a des confusions très faciles et très rapides entre ce que l’on développe et la personne que l’on est.
Quand le projet s’arrête, vous avez foncièrement une disparition qui arrive. On reprend donc les mêmes mécaniques que la courbe du deuil qui a été développée par une psychologue suisse, Elisabeth Kübler-Ross : vous avez les 8 phases du deuil que vous appliquez également dans la disparition d’une idée ou d’un projet.
Si on prend comme exemple les entrepreneurs : ce sont des personnes qui passent énormément de temps sur et avec leur projet – plus qu’avec potentiellement leurs proches. Donc, quand vous cassez ce rythme-là, ça ressemble très rapidement à une rupture amoureuse – pour faire une analogie rapide.
A mon sens, ce qu’on n’apprend pas assez, c’est qu’une fois que vous comprenez les mécanismes d’une disparition, ça devient beaucoup plus simple pour vous de lancer une initiative.
C’est parce qu’on apprend à tomber que finalement on réussit à marcher. L’apprentissage passe par une compréhension de ce à quoi peut ressembler l’échec. Et donc avoir une sorte de banalisation de ce que ça pourrait être si on veut vraiment progresser et aller chercher quelque chose de fort, de poussé.
Les gamins tombent énormément de fois avant d’apprendre à marcher : test-échec permanent ! Plus on a une appréhension forte et négative de l’échec, et plus c’est compliqué d’avoir une initiative. Donc, quand un projet s’arrête, si on a cette peur de l’échec, ce n’est pas évident de relancer un autre projet. Donc un deuil, ça s’accompagne, quand on veut ensuite rebondir.
Aurélie : Merci pour ton partage car lorsque j’en ai entendu parler lors de ton webinair, je me suis dit qu’on n’en avait jamais entendu parler ailleurs, et c’est très important de partager cette phase-là également !
Gauthier Helloco : Oui, c’est vraiment nécessaire ! Depuis 2 ans, on parle beaucoup de charge mentale : si on n’accepte pas le deuil de certains projets, on vit avec la charge mentale de ce projet… Et du coup, c’est là qu’arrivent les fameuses phrases au conditionnel « ah, si j’avais su, j’aurais…« . Vivre avec des frustrations et des remords avec un truc qui n’aurait pas pu exister, c’est inutile ! Vivre dans la complainte et dans la non-acceptation, c’est vivre dans l’incapacité à rebondir.
La phase de renouveau est accessible à partir du moment où il y a une acceptation émotionnelle : tristesse, colère et peur, qui peuvent arriver lorsqu’un projet s’arrête.
Et ça, ce n’est pas du tout pris en compte dans les organisations, et dans les comportements humains.
Aurélie : Oui, j’en ai fait l’expérience : j’ai créé un premier site trop généraliste et ce que tu partageais m’a beaucoup parlée parce que tu as envie de retrouver quelque chose tout de suite derrière. Et il faut prendre le temps de bien faire les choses. Sinon tu te retrouves avec une surcharge mentale. Ça te freine aussi dans ta productivité derrière.
Gauthier Helloco : Oui, et puis on parle d’un site internet, donc ça n’a aucun sens que ça vienne te plomber moralement si le projet meurt. C’est normal que ça ait un impact – comme toute expérience – c’est une question de curseur. Mais ça n’a aucun sens, encore plus quand on parle de projet, de produit ou de service.
Quand on parle de vie humaine, ou de santé, qui ont leur valeur absolue ce n’est pas la même chose : là on parle de lignes de codes sur un écran, donc il faut dédramatiser.
Quelle définition tu donnerais de la créativité ?
Gauthier Helloco : C’est la capacité à proposer des idées ou des solutions utiles dans un contexte donné. Je reprends donc une définition assez classique. Par contre, j’enlève l’aspect de nouveau et d’originalité -parce que ça n’a pas de sens : ça biaise et ça ferme l’angle.
Je sais qu’il y a des gens qui en sont relativement fiers. Car c’est leur force d’aller chercher des divergences. Mais, à partir du moment où tu ne retombes pas sur une forme d’utilité, ça n’a aucun sens. Ça n’aide rien, ni personne. Ça n’aide pas la société. Être fier de pouvoir proposer, c’est cool, mais quand il n’y a pas de transformation derrière possible, il n’y a pas de valeur créée.
Aurélie : D’ailleurs, dans un de tes wébinairs, tu expliquais que c’était important de recycler les idées aussi parfois, tout simplement. Et, quand tu déconstruis une idée ou un projet, tu peux aussi recycler certaines parties qui ont fonctionné – ou même certaines idées qui sont encore utiles dans un contexte donné.
Gauthier Helloco : Tout se décompose et tout se déconstruit. C’est un principe de chimie de tout ce qui nous entoure. Nous sommes nous-mêmes des systèmes d’atomes – ni plus, ni moins – en tant que tels. Parfois il y a des formes de décompositions quand quelque chose plante.
« Comment est-ce que je vais décomposer mon expérience pour en retirer un certain bout ? » Et ainsi pouvoir les déplacer et leur redonner de la valeur.
C’est ce que vous faites quand vous amenez une voiture à la casse : il y a des pièces détachées qui sont sélectionnées et qui peuvent être déplacées dans un autre contexte. Parfois des éléments sont revendus individuellement. Parfois c’est 80% de la voiture qui va partir dans un autre pays pour être retapée et revendue. Le principe même de recyclage est un processus créatif. Mais notre vision est celle d’un « processus industriel« .
C’est le même processus quand vous êtes en train de recycler les cinq ingrédients qui se battent en duel dans votre frigo, le dimanche soir, quand il n’y a plus rien à manger et que tout est fermé, et que vous les cuisinez. C’est la même chose.
Aurélie : Comme quoi, il y a beaucoup de créativité dans notre quotidien, alors qu’on ne s’en rend pas compte…
Gauthier Helloco : Oui ! Ça, c’est mon combat !
Comment la créativité t’anime chaque jour ?
Gauthier Helloco : Moi, c’est une philosophie et quelque chose que j’adore transmettre sous mon angle personnel. C’est-à-dire pas la créativité sous l’angle de l’originalité, de la nouveauté ou de l’excentricité. Mais plutôt comment vient-on résoudre des problèmes en apportant des solutions : c’est la capacité de rebond. Donc moi, c’est ça qui m’anime en permanence. C’est le mouvement des idées et des gens.
Dans tout ce que je fais, ce sont deux matières premières que je considère. Que ce soit dans des ateliers sur lesquels je travaille : faire en sorte que les 2 – idées et personnes – soient en mouvement en permanence et synchrones.
Des idées qui sont en mouvement sans que les personnes puissent les suivre, ça fait de l’externalisation : les gens sont plus en capacité de faire ou de produire (le projet leur échappe totalement). Et les personnes qui se développent plus vite que leur projet, ça devient frustrant pour eux : le projet n’est plus adapté à ce qu’ils ont envie de faire pour se développer.
Moi, ça m’anime chaque jour par rapport à ces compétences tant sur ma vie professionnelle que personnelle. J’ai tout de suite été indépendant suite à mes études car je n’ai pas trouvé forcément le cadre pour exprimer ce que j’avais envie de faire et ce qui m’animait.
Donc ça a été progressif : je l’ai trouvé après sur le métier de facilitateur, qui correspondait à ma philosophie et à ce que j’aime transmettre et faire. Ça m’anime dans ma façon de développer mon propre cadre de vie.
J’en ai vraiment fait un point central – et ensuite je le décline.
Est-ce que tu as des outils de créativité à nous partager ?
Gauthier Helloco : Alors, je suis « anti-outils ». Car on arrive rapidement sur le mot « technique de créativité« . Et ça, je ne cautionne pas.
Je dirais plutôt une posture basique : le questionnement. C’est la reformulation des problèmes : quels problèmes cherche-t-on à résoudre ? Quand je parle de problème, c’est un mot positif, voire même neutre : quand vous n’avez rien à résoudre, c’est un peu chiant… Et ce n’est même pas normal !
- Comment est-ce que je le vois positivement ?
- Comment je peux le formuler afin de bien le comprendre ?
Je travaille les angles de vue différents pour travailler sur la reformulation de problèmes. C’est vraiment ce que je conseille à chacun pour muscler sa créativité.
J’ai une situation. J’essaie de formuler de 5 ou 6 manières différentes ce qui me gratte sur cette situation-là. Plus ça va être « cérébral » – même si, parfois, ce peut être instinctif la façon dont les solutions peuvent venir – plus ça va être facile.
Se mettre dans la vie de Napoléon pour reformuler le problème, oui, ça va permettre de faire un pas de côté, seulement, se mettre dans la peau de Napoléon, ce n’est pas quelque chose que vous allez faire tous les jours, pour tous les problèmes.
Ce qui est intéressant, c’est les techniques familières et quotidiennes, et le questionnement en fait partie. C’est ça qu’il faut vraiment muscler.
Plus ça devient naturel et agréable, plus ça devient ancré dans des fonctionnements : donc ce n’est plus un exercice, c’est naturel et on parle alors davantage de compétences.
Le problème de l’outil ou de la technique, c’est qu’on est quasiment dans du jeu de rôle temporaire et donc on y va pour un temps donné. Quand on en ressort, on n’intègre pas forcément la technique.
Si je te dis le mot intuition, qu’est-ce que ça évoque pour toi ?
Gauthier Helloco : Je ne saurais pas répondre de manière intuitive ! Non, alors, l’intuition, pour moi, c’est la capacité à faire des choses dans une logique de laisser-aller cérébralement parlant. Le relâchement de l’intellect et de l’analytique, c’est quelque chose qui sera un peu plus spontané, que l’on sent. Et, c’est normal d’avoir des idées, et des choses que l’ont sent : c’est plutôt bon signe.
Aurélie : Tu arrives à écouter tes ressentis ?
Gauthier Helloco : Oui, j’ai un petit observateur intérieur qui est très sévère. Et en même temps, je laisse venir toutes mes idées : je suis en capacité de tuer mes idées très vite. Par contre, j’ai un alignement sur le côté intéressant d’une idée : l’observateur me dit que c’est pas mal et qu’il le sent !
Aurélie : C’est une voix qui te dit « il faut y aller » ?
Gauthier Helloco : Oui, puis c’est une technique d’enthousiasme aussi. Tu as une connexion qui se fait : ça envoie de l’endorphine. Ça crée un élan. C’est même hormonal. C’est grisant et c’est là où il faut quand même continuer à proposer.
Parce que, généralement, c’est là où on a un biais : on est persuadé que c’est la seule possibilité, la seule idée qui existe. Le travail de curiosité, c’est de se dire : est-ce qu’il y a d’autres possibilités qui existent et qui seraient elles aussi intéressantes ?
Parce que le problème, derrière, c’est qu’on peut rester figer sur une idée, une solution, qui convient. Sauf que, si elle ne convient pas, tu auras perdu ta capacité de rebond. Donc, il vaut mieux partir avec une idée qui te plaît beaucoup, tout en ayant 2-3 pistes alternatives en tête : c’est beaucoup plus simple de retravailler ça.
Quels sont les 3 livres qui t’inspirent le plus ?
Gauthier Helloco :
- La trilogie d’un ami : Agence 42 – je ne suis pas un très grand lecteur de roman, mais j’ai adoré ce qu’il a pu faire. Ca m’a beaucoup inspiré récemment parce qu’il y avait du design fiction (futur proche) hyper intéressant. Ça a amené une réflexion sur ce qui se passe actuellement dans le monde, et sur ce qui pourrait se passer – avec des pistes qui faisaient fleurir mon imaginaire ! À titre d’exemple, il parle des Etats-Unis d’Afrique : dans son roman, l’Afrique est un seul et même continent-pays et c’est hyper intéressant d’imaginer des possibles déformations.
- Sur l’inspiration autour de la créativité, je pense à tout ce qui est Gaston Lagaffe et Léonard en bande-dessinée. Ils sont juste excellents. Si vous voulez travailler le processus créatif, il faut lire ça : pas besoin de s’emmerder à lire autre chose… Vous voyez un personnage qui essaye de résoudre une situation ou de créer quelque chose juste en bidouillant : il attaque soit par le faire, soit par la problématisation. Et ils tentent et testent des choses improbables : ils utilisent tout ce qu’ils ont à disposition !
- Fabcaro ou Stéphane De Groodt sur l’humour absurde ou les jeux de mots : ça m’a beaucoup inspiré.
Quelle est la personne qui t’inspire le plus ?
Gauthier Helloco : Mon dieu, cette question métaphysique ! Je suis fan de basket, donc j’ai plein de noms de basketeurs qui me viennent en tête.
Les personnes qui m’inspirent le plus sont généralement les personnes qui sont sur la pluridiscipline et qui sont très fortes dans chacun des aspects. Je parle en terme de connaissances, mais aussi en termes de capacité à faire. C’est-à-dire que les personnes accomplies, pour moi, c’est celles qui sont capables de déplacer des apprentissages et de les amener dans d’autres univers.
C’est une autre de mes passions : voir les transferts innattendus entre différents éléments, différents univers. Je m’intéresse à comment des sportifs vont ramener leur contenu, leur expérience qu’elles ont pu accumuler sur une courte carrière (de 9 à 15-16 ans) dans d’autres pratiques – qu’elles soient artistiques, entrepreneuriales – de voir comment elles les utilisent en phase de transition.
J’ai eu la chance de rencontrer Tony Parker il n’y a pas longtemps : c’est un bourreau de travail ultra inspirant ! Il a cette capacité à déplacer son amour et sa passion du travail dans différents endroits. Je suis sûr que ça va devenir un excellent gestionnaire de club sportif et un très bon businessman en tant que tel. Il a un sérieux et une capacité à amener ce qu’il a appris dans le monde du sport et à la ramener dans le monde de l’entreprise de manière assez poussée.
Est-ce que tu as une citation qui te vient en tête ?
Gauthier Helloco : La petite punchline que j’aime bien pousser par rapport à la notion d’accompagnement lorsqu’un projet se plante, c’est « se planter, c’est planter« .
Et j’en parle assez souvent : toute forme d’expérience amène ses fruits. Et c’est une perception d’aller les chercher. Bien sûr, parfois, les arbres tombent – et c’est même plutôt logique (désolé pour les amoureux de la forêt d’admettre ça). Mais il faut se dire que, quand on lance une initiative, un projet, qu’on va forcément avoir quelque chose de positif qui va en ressortir, même si le projet se crash.
Du coup, à partir du moment où on est en acceptation que se planter, c’est planter, c’est beaucoup plus facile d’amener des approches d’initiatives, de démarrer petit et ainsi faire des trucs, explorer. Faire avec ces premiers trucs d’autres choses, les explorer : c’est comme une logique d’enfant, une logique d’exploration, de déformation.
Ça se fait en fonction de ce que vous allez rencontrer sur votre chemin et de la manière dont vous allez le manipuler – dans le sens positif et neutre du terme (manipuler des objets, pas des personnes). La manipulation, ce n’est pas maquiavel non plus.
Si je te donne les 4 premières lettres de créativité, C-R-E-A, quel mot tu as envie de mettre instantanément pour chacune des lettres ?
Gauthier Helloco :
- C – Confinement
- R – Restez chez vous !
- E – Encore patienter quelques jours (date de l’enregistrement du podcast : quelques jours avant la fin du confinement).
- A – Allez-y, tentez des trucs, c’est cool ! Ça c’est ma phrase de dédramatisation.
On parle de trucs : on ne parle pas de lancer une grande entreprise !
Démarrez petit. Même si c’est un grand projet : ayez une vision positive et explorez, maniez-la le plus possible pour que ça se développe bien !
Je ne dis pas qu’il ne faut pas avoir une vison de quelque chose au bout, mais je dis que ce qui est important, c’est de mettre les mains dans le camboui. Parce que, les idées pour les idées, ça ne sert à rien. Et la créativité pour la créativité, ça ne sert à rien.
Aurélie : Il faut aller d’idées en idées… C’est en passant à l’action que tu passes à l’action sur d’autres choses, petit à petit.
Gauthier Helloco : Oui, et puis tu auras d’autres idées. À un moment, tu es forcément bloqué si tu te contentes d’un post-it. Et, bonjour la frustration !
Aurélie : Justement, ce matin je voyais une citation qui disait « prends la meilleure idée que tu as maintenant« . Et tu fais ça à chaque fois : tu prends la meilleure idée que tu as sur le moment. Ça t’amènera à d’autres meilleures idées !
Tu peux te procurer le livre de Gauthier (que je te conseille vivement, maintenant que je l’ai lu !) sur le site de la FNAC : découvre les avis en cliquant ici !